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Harcèlement moral et sexuel en entreprise : prévenir et réagir

Harcèlement moral et sexuel en entreprise : prévenir et réagir

Publié / Mis à jour le 24/09/2018 dans Dossiers Droit et Ressources humaines

Lorsque le harcèlement est porté à la connaissance de la direction de l’entreprise, il n’y a plus de temps à perdre, souvent la supposée victime a déjà subi des comportements répréhensibles de l’un de ses collègues de travail ou de son manager.

La victime est déjà plus ou moins atteinte et touchée par ces agissements. Soit, elle est encore en poste, soit elle est en arrêt maladie.

Dans la majorité des cas, le management et les cadres sont accusés de harcèlement. C’est ce cas de figure qui va retenir plus particulièrement notre attention.

Il est important auparavant de revoir les définitions des deux types de harcèlement afin de mieux les cerner.

Définitions des faits

Les faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel sont définis et prohibés aussi bien dans le Code du travail que dans le Code pénal.

Le Code pénal ajoute les sanctions applicables en cas de passage à l'acte.

Définition dans le Code du travail du harcèlement moral

Le Code du travail interdit tout agissement répété de harcèlement moral entraînant une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible :

  • De porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié,
  • D’altérer sa santé physique ou mentale,
  • De compromettre son avenir professionnel.

Définition dans le Code pénal du harcèlement moral

Il s'agit de propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne, d'altérer la santé physique ou mentale de celle-ci ou de compromettre son avenir professionnel.

Définition dans le Code pénal et dans le Code du travail du harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est défini par le Code pénal « comme le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Est assimilé au harcèlement sexuel, le fait, même non répété, d’user de toute forme

de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’untiers.
 

Il faut noter que les définitions légales sont très larges, de façon à laisser aux juges l’appréciation des faits et le traitement au cas par cas des affaires qui sont portées à sa connaissance.

Il étudiera la question, et aux vues des preuves constituées par la supposée victime, il reconnaitra si les agissements caractérisent ou non un cas de harcèlement.

La définition ne semble pas difficile à effectuer. En effet, entre les textes légaux et une jurisprudence abondante, les divers et multiples exemples donnés nous permettent aisément de savoir ce qu’est un harcèlement.

En revanche, il n’est pas évident de le reconnaître. Il y a un certain tabou à dire que cet acte s'est passé dans notre entreprise. Le seul fait d’en parler engendre un malaise et une difficulté à y faire face.

Reconnaissance des faits 

La reconnaissance des faits est compliquée, à plus forte raison quand le harceleur est le manager.

Un sondage réalisé en 2014 pour le Défenseur des droits a révélé que 20 % des femmes actives affirment avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur carrière.

Pourtant, lorsqu'on interroge les chefs d'entreprise, le résultat est contradictoire. A la question : « Au sein de votre entreprise, avez-vous eu connaissance de faits de harcèlement sexuel ? », la réponse est « Non » à 100%, selon « La Grande Consultation » réalisée par Opinion Way pour CCI France/La Tribune/Europe.

Sur les 604 dirigeants interrogés, un seul a déclaré « Oui ». Loin de nier le phénomène, ces données mettent surtout en évidence un tabou chez les chefs d'entreprise.

Beaucoup de dirigeants, alertés pour des faits de harcèlement vivent très mal la situation. Un réflexe de déni s’installe, une ambiance de non-dits. On se met à chuchoter quand il s’agit d’en parler.

Le pire c’est lorsque la victime de harcèlement a nommé son harceleur : elle doit faire face à des réflexions du genre : « Non impossible, pas lui ! », « Il est incapable de ce genre de choses », « Il est dans notre entreprise depuis si longtemps, ça se saurait ! », « Il est l’un de nos meilleurs éléments, c’est un très bon technicien… », « Vous avez sans doute mal compris ses propos », « Ça ne lui ressemble pas », « Ne soyez pas susceptible », « Faites preuve d’un peu plus d’esprit d’équipe » …

Toutes ces expressions dénotent combien la victime doit se justifier et commencer le déballage des preuves dont elle dispose si elle veut être crédible un tant soit peu.

Les chefs d'entreprise déclarent presque unanimement qu'ils n'ont pas eu connaissance de faits de harcèlement sexuel dans leur entreprise. Et pourtant, une femme active sur cinq y a déjà été confrontée.

«On était sidérés, on a pris un coup sur la tête, sans doute à cause d'un complexe d'exemplarité. », raconte Cendrine Chapel, directrice générale adjointe des services funéraires de la Ville de Paris, structure d'une centaine de salariés.

La société respectait la parité à tous les étages, sa politique avait même été récompensée par le label Egalité hommes-femmes en 2005.

Alors, il y a quelques années, quand la direction a pris connaissance d'une situation de harcèlement, c'était la douche froide. 

Face au déni d’un grand nombre d’entreprises, depuis le 1er janvier 2018, les structures de plus de 50 salariés ont pour obligation de mettre en place un dispositif de recueil des signalements qu'ils soient relatifs à la corruption, à l'environnement... Ou à la santé au travail, harcèlements compris.

Réaction aux faits

Pour 64% des Français, travailler dans un environnement avec des blagues à caractère sexuel est fréquent. La majorité des répondants (64%) estime qu’il est fréquent qu’une personne subisse un environnement de travail avec des blagues à caractère sexuel.

Dans 40% des cas de harcèlement rapportés, la résolution s'est effectuée au détriment de la plaignante, avec des conséquences directes sur son emploi (non renouvellement de contrat, blocage dans la carrière), pointe le Défenseur des droits. 

Trois quarts des cadres jugent inutile de prendre des mesures, bien qu’ils soient tenus de le faire. Certains craignent de semer un climat de psychose au sein du service.

Or, il pèse sur l’employeur une obligation de sécurité. « Il est tenu de prévenir et de lutter contre le harcèlement » rappelle Jacques Toubon, Défenseur des droits, le 6 février 2018 à l'occasion d'une campagne de sensibilisation au harcèlement sexuel au travail.

L'employeur est obligé de prévenir et de réagir : l'article L.4121-2 du Code du travail qui définit l'obligation de prévention de l'employeur cite expressément le harcèlement sexuel, et l'article L.1153-5 du même Code dispose que : «  L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner. »

L'employeur doit savoir comment réagir lorsqu'une telle situation survient dans son entreprise, car elle est susceptible d'engager sa responsabilité s'il reste passif. 

A partir du moment où le harcèlement a été dénoncé et rapporté à l’employeur, ce dernier ne peut plus faire la politique de l’autruche, faire semblant de ne rien savoir.

L’employeur doit impérativementagirinstantanément et efficacement afin que cessent de tels faits, intolérables dans son entreprise.

La première chose à faire est de mener une enquête afin de s’assurer que les accusations du salarié sont avérées. Si les faits dénoncés sont réels, l’employeur doit sanctionner l'auteur du harcèlement. Si l’employeur ne réagit pas, il risque de voir sa responsabilité engagée.

Dans le cas où le salarié n’arrive pas à prouver ses allégations, l’employeur ne doit pas le négliger. Il doit lui accorder le bénéfice du doute. Selon la jurisprudence, la mauvaise foi du salarié ne se présume pas. Il appartient donc à l’employeur de rester très vigilent, observateur et conscient que les accusations de son salarié pourraient être exactes. L’employeur restera à l’écoute de son salarié et lui fera passer un test afin de s’assurer des faits.

Ensuite, ne détaillant pas les outils de prévention attendu, le législateur laisse le chef d’entreprise libre mais aussi isolé pour mettre en place une batterie de mesures préventives afin d’éviter le harcèlement :

  • une communication interne,
  • un règlement intérieur clair (article L.1321-2 du Code du travail),
  • un comportement exemplaire de la direction,
  • de la formation,
  • une définition de politique globale visant à l’amélioration de l’environnement psychosocial,
  • une détermination de règles éthiques de management,
  • une information du personnel sur les objectifs et les évolutions du cadre d’emploi,
  • une clarification des attributions dont chacun dispose (tâches, moyens, autonomie), - une modalité d’alerte, de signalement et de détection des faits de harcèlement,
  • une évaluation des risques professionnels dont le but est de prendre en compte les différents facteurs générateurs de harcèlement,
  • une rédaction du règlement intérieur de l’entreprise qui doit mentionner les dispositions sur l’interdiction des agissements sexistes (art. L.1321-2 C. trav.),
  • une charte interne à l’entreprise édictant un code de bonnes conduites.

Un arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2017 a considéré que l'employeur qui n'avait pas assuré l'information et la formation de ses salariés pour prévenir la survenance de faits de harcèlement sexuel ne respectait pas son obligation de sécuritéLa Cour de cassation a ainsi transposé au harcèlement sexuel, les règles posées le 1er juin 2016 en matière de harcèlement moral.

La prévention contre le harcèlement n’est toutefois pas l’affaire du dirigeant seulement. Il pourra s’appuyer sur le chargé de prévention, le médecin du travail, les membres du CHSCT et les délégués du personnel.

Ces partenaires de l’entreprise peuvent être un soutien efficace pour l’employeur, l’éclairer sur certains faits et attirer son attention sur des facteurs susceptibles d’engendrer une situation de harcèlement :

  • l’évaluation de l’ancienneté du personnel,
  • les statistiques d’accidents du travail par service ou sur la totalité de l’établissement,
  • les statistiques de maladies professionnelles,
  • la gravité des accidents du travail,
  • le nombre de jours de formation par catégorie d’agents,
  • le nombre de demandes de mutation,
  • l’évolution de la carrière,
  • la baisse soudaine de primes,
  • l’accroissement de demandes de sanctions disciplinaires,
  • la baisse soudaine de la notation,
  • les recours administratifs liés au climat social
  • le taux et le motif de plaintes de la part du personnel (difficulté de prise de congés, charge de travail, notation, primes, affectation, refus de formation…),
  • le taux d’absentéisme et les motifs,
  • l’évolution des psychopathologies,
  • l’évolution des conduites addictives (drogues, alcool, médicaments…)

Enfin, il y a l’obligation pour l’employeur de réprimer le harcèlement au travail.

Au titre de la répression, l’employeur a l’obligation de sanctionner disciplinairement tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral.

La jurisprudence précise que les enquêtes et investigations à l’origine de toute sanction doivent intervenir dès le stade du soupçon par l’employeur des faits de harcèlement. L’employeur doit réagir sans attendre la confirmation par une source extérieure des faits de harcèlement. La procédure disciplinaire doit en effet être engagée dans le délai de deux mois à compter de la connaissance éventuelle par l’employeur des actes reprochés. À défaut, la sanction peut être invalidée ou requalifiée.

L’employeur engage ainsi sa responsabilité de plein droit. Il ne peut s’en exonérer en démontrant qu’il a respecté l’ensemble des obligations auxquelles il était tenu en matière de prévention de harcèlement, ni plus généralement en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.

Pour conclure rappelons qu’en présence d’éléments de faits faisant présumer l’existence d’un harcèlement moral commis par un salarié à l’encontre d’un autre, l’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires à la cessation de ces agissements.

Après avoir défini, reconnu et réagi au fait de harcèlement, il convient de donner des exemples de cas retenus en entreprise.

Exemples de Harcèlements

Cas de harcèlement sexuel 

  • Mains sur les seins alors que la salariée a les mains occupées

  • Présence de pornographie imposée (mailing, écrans de veille, images…)
  • Contacts physiques (pieds sous la table, bise appuyée, massages des épaules imposés, mains autour de la taille, caresses dans le dos, mains dans les cheveux, empiètement sur l’espace intime…)
  • Commentaire sur la vie sexuelle des salariés
  • Mains sur les fesses
  • Regards déshabilleurs
  • Mimes avec gestes de la main de pénétration sexuelle
  • Baisers sur la bouche au moment de faire la bise
  • Commentaires sur le physique (« Tu devrais mettre une jupe plus souvent, ou un pantalon, ça moule bien tes fesses », « Avec ce rouge à lèvres, t’as une bouche pulpeuse»)
  • Confidences sexuelles imposées
  • Propos graveleux (« C’est bien la clim, les tétons pointent ! »)
  • Chantage (« Si t’es gentille, t’auras ta prime, tes vacances, ta formation… », « Si t’es toujours aussi méchante, tu ne risques pas d’évoluer », « Si t’es une bonne manager, tu me fais ta présentation toute nue »)
  • Organiser un rendez-vous pour motif professionnel en dehors de l'entreprise avec une salariée qui était sous ses ordres, dans une chambre d'hôtel 
  • Pour un supérieur hiérarchique, d'envoyer des sms à un de ses subordonnés en lui indiquant notamment « Je te souhaite une douce journée avec plein de baisers sur tes lèvres de velours »
  • Pour un employeur, d'avoir tenté d'obtenir des faveurs de nature sexuelle de la part de sa salariée en multipliant les cadeaux et les appels, en se rendant à son domicile et en faisant intrusion dans sa vie privée, dans le but de la convaincre et même de la contraindre à céder à ses avances 
  • Pour un collègue de tenir les propos suivants « Bon, c'est quand qu'on couche ensemble ? » et de poser des questions intimes sur la vie privée

Cas de harcèlement moral 

  • Critiques incessantes, sarcasmes répétés
  • Brimades, humiliations
  • Propos calomnieux, insultes, menaces
  • Discrimination, traitement inégal, « mise au placard »
  • Conditions de travail dégradantes
  • Isolement volontaire du salarié
  • Surveillance tatillonne
  • Refus de toute communication
  • Absence de consignes ou consignes contradictoires
  • Privation de travail ou charge excessive abusive
  • Tâches dépourvues de sens ou sans rapport avec les fonctions
  • Fait pour un employeur, de procéder à de multiples contrôles médicaux afin de vérifier que l’état de santé du salarié justifie bien ses arrêts pour maladie (Cass. Soc. 13 avril 2010, n°09-40.837)
  • Exercer des pressions sur un salarié pour l’inciter à démissionner (Cass. Soc., 11 juillet 2012, n°11-19.971)
  • Déconsidération auprès des collègues (calomnier, lancer des rumeurs, se moquer…)
  • Persécutions : surveillance des communications téléphoniques, fouille du bureau, des effets personnels, chronométrage du temps de pause, annotation des faits et gestes…
  • Mise en échec systématique
  • Suppression des outils de travail
  • Demandes urgentes en fin de journée
  • Demandes très rigides
  • Formalisation excessive de tâches…
  • Sanctions : avertissements pour des motifs futiles envoyés par lettre recommandée
  • Vacances supprimées au dernier moment
  • Notes de service à répétition…
  • Pression disciplinaire : nombreuses convocations à des entretiens préalables dans 4 procédures disciplinaires dont 2 sont demeurées sans suite pendant une période de fragilité du salarié, pièces médicales établissant que son inaptitude était liée à un état dépressif résultant de la dégradation de ses conditions de travail.
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